TLPL
-
L’intérêt pour les rénovations durables en immobilier commercial ne cesse de croître, mais les gestionnaires immobiliers ont parfois de la difficulté à dégager un retour sur investissement attrayant.
-
Au-delà des économies d’énergie, ces rénovations s’intègrent désormais aux stratégies de gestion des risques, dans un marché où la résilience climatique devient cruciale.
-
Disposer de données précises sur le cycle de vie des systèmes d’une propriété permet de cerner des pistes d’économies et d’optimiser les investissements à long terme.
-
Des programmes financiers comme les programmes de subvention, de prêt ou de remboursement de crédit d’impôt à l’investissement du gouvernement fédéral peuvent réduire les coûts initiaux des travaux.
Fin février, RBC et Deloitte ont réuni à Toronto des experts en immobilier commercial pour discuter des pratiques gagnantes permettant aux gestionnaires immobiliers d’optimiser la rentabilité des rénovations durables.
Selon Colin Guldimann, directeur général, Finance durable à RBC et animateur de la table ronde, malgré l’intérêt croissant pour les rénovations durables, leur mise en œuvre reste limitée par la difficulté de garantir leur rentabilité dans un contexte d’incertitudes économiques et politiques. En gros, les avantages sur le plan financier des rénovations énergétiques ne sont pas toujours au rendez-vous.
« Beaucoup d’investisseurs y réfléchissent, mais peu se lancent dans des rénovations majeures, car trouver des actifs où ces investissements sont financièrement viables s’avère parfois difficile », explique-t-il.
Les experts ont partagé leur expérience et les meilleures pratiques pour assurer la viabilité financière des rénovations commerciales durables.
1. Les rénovations sont à la fois une occasion d’affaires et une stratégie d’atténuation du risque pour les propriétaires immobiliers.
Selon M. Guldimann, les économies d’énergie représentent le meilleur levier pour récupérer ces coûts importants, car elles s’accumulent sur l’ensemble de la durée de vie d’un équipement performant.
Les rénovations offrent également d’autres occasions de création de valeur. Bien que cela dépende de l’actif et de son emplacement, M. Guldimann souligne que certains segments de clientèle sont prêts à payer une prime pour des immeubles durables, tandis que d’autres refusent tout simplement de louer un bâtiment ne respectant pas certaines normes :
« Par exemple, à Toronto, les espaces de bureaux sans certification de durabilité se louent de plus en plus difficilement. Les locataires tiennent tout simplement à ces caractéristiques. »
De plus, les biens immobiliers de cette catégorie d’actifs qui n’évoluent pas avec ces tendances s’exposent à un risque financier accru. À l’inverse, les projets qui permettent d’atteindre des certifications comme LEED peuvent générer des retours significatifs.
« Le climat évolue, ce qui a des répercussions sur les températures, les vagues de chaleur, les inondations et les incendies de forêt à travers le pays. Ces actifs, ancrés à un emplacement fixe, sont donc particulièrement exposés à ces risques physiques, explique M. Guldimann. Intégrer des mesures de résilience dans les rénovations peut aider à atténuer certains de ces risques physiques. »
L’évaluation de la viabilité financière des rénovations de bâtiments commerciaux doit intégrer à la fois les bénéfices immédiats, comme les économies d’énergie, et la gestion des risques de marché et des risques physiques.
2. Collecter des données pour évaluer le rendement des bâtiments et repérer les occasions stratégiques
Pour ceux qui souhaitent améliorer l’efficacité énergétique d’un bâtiment, la première et principale étape consiste à réaliser une évaluation technique des systèmes existants, que ce soit pour un bien individuel ou un portefeuille immobilier.
« Pour bien planifier une rénovation, disposer de données précises s’avère indispensable, car on doit souvent remplacer un système mécanique à faible coût par un modèle plus cher », explique M. Guldimann. Il ajoute que ces évaluations révèlent fréquemment des inefficacités, notamment des équipements dont la capacité excède les besoins réels. « Si vous pouvez réduire la taille du système de remplacement, vous pouvez économiser une grande partie de la prime de capital. Pour y parvenir, connaître la capacité réellement utilisée par le bâtiment est primordial. » La modernisation des systèmes obsolètes pourrait également réduire les coûts d’exploitation et accroître les économies d’énergie.
Les participants ont toutefois souligné l’importance de prendre en compte la durée de vie complète de l’actif avant d’envisager une réduction de capacité. Par exemple, une étude récente de l’Office de protection de la nature de Toronto et de la région indique que la ville connaîtra un climat plus chaud et plus humide dans les décennies à venir. Les infrastructures ayant une durée de vie de plusieurs décennies devront donc être construites pour résister à ces changements environnementaux.
3. Établir son calendrier de rénovation en fonction de son cycle de planification des investissements et des cycles de vie des systèmes
La rentabilité d’une rénovation durable repose souvent sur la catégorie d’actifs, la structure de location et le cycle de vie des systèmes en place.
« Pour réussir leurs rénovations, les clients doivent disposer d’un bien individuel dont les systèmes sont en fin de vie, explique M. Guldimann. Cela peut concerner l’enveloppe du bâtiment, comme le toit, les fenêtres et les murs, ou encore le système CVC (chauffage, ventilation et climatisation), ainsi que d’autres composantes clés qui doivent être remplacés de toute façon. »
Les propriétaires de plusieurs immeubles examinent généralement leur portefeuille pour repérer les systèmes approchant de la fin de leur cycle de vie et remplacent en priorité ceux qui doivent faire l’objet d’un renouvellement par des solutions plus écoénergétiques.
4. Tenir compte de la structure de location du bien
L’autre facteur clé qui déterminera la viabilité financière d’un projet de rénovation est la structure de location du bien. Dans le cas d’un bail pour un bâtiment industriel, par exemple, les propriétaires ne sont généralement pas responsables de la gestion des équipements lourds, comme les systèmes de CVC. « On peut difficilement récupérer les coûts dans un immeuble collectif, comme un immeuble d’appartements », explique M. Guldimann.
En revanche, pour les bureaux et les commerces, les propriétaires peuvent éventuellement récupérer les coûts de rénovation en tant que dépenses d’investissement, mais cela dépend de la dynamique générale du marché.
« Vous devez savoir dans quelle mesure vous pouvez récupérer ces coûts auprès des locataires, car cela influencera le positionnement marketing de votre bâtiment », explique M. Guldimann.
« Si votre locataire paie un loyer plus élevé, mais que ses coûts d’énergie sont moindres, comment le coût total se compare-t-il à celui d’un locataire voisin dont le loyer est plus bas, mais les coûts d’énergie, plus élevés ? C’est une question importante. »
5. Rechercher des incitatifs et du soutien financier
Les propriétaires d’immeubles commerciaux souhaitant améliorer l’efficacité énergétique de leurs locaux peuvent accéder à des incitatifs, à des subventions et à des prêts à faible taux ou sans intérêt pour alléger leurs coûts.
Les experts présents à l’événement ont souligné la grande disponibilité des subventions fédérales, tout en précisant qu’elles sont souvent accessibles pour des périodes limitées et ne couvrent qu’une partie des projets admissibles. M. Guldimann souligne que les subventions provinciales et celles offertes par les services publics peuvent également jouer un rôle clé dans le financement des rénovations.
L’Ontario, par exemple, a récemment élargi son Cadre pour l’efficacité énergétique dans le secteur de l’électricité en y consacrant un budget de 10,9 milliards de dollars sur les 12 prochaines années. Le programme prévoit des incitatifs financiers pour les propriétaires qui réduisent leur consommation d’énergie et finance des améliorations écoénergétiques, comme l’installation d’ampoules à DEL et de thermopompes.
La Banque de l’infrastructure du Canada offre également des prêts à faible taux d’intérêt pour les projets de rénovation, mais les accorde généralement par l’intermédiaire d’agrégateurs tiers. Les prêts directs de la Banque de l’infrastructure du Canada sont généralement réservés aux projets de grande envergure plutôt qu’aux bâtiments individuels.
Le gouvernement du Canada offre également un crédit d’impôt remboursable à l’investissement pour les technologies propres, qui couvre jusqu’à 30 % du capital investi dans l’adoption et l’exploitation de nouveaux biens de technologie propre au Canada.
« Une rénovation intégrant des technologies comme les thermopompes ou le chauffage géothermique, admissibles aux crédits d’impôt à l’investissement du gouvernement fédéral, pourrait bénéficier d’une prise en charge significative des coûts en capital, explique M. Guldimann. Les thermopompes représentent un investissement coûteux, mais le gouvernement en rembourse 30 %, ce qui en réduit considérablement le prix. »
Bien que certains craignent que le gouvernement fédéral abolisse le crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres, les experts présents à l’événement RBC-Deloitte estiment qu’il sera maintenu sous une forme ou une autre. Quel que soit le parti au pouvoir, il resterait en place, ne serait-ce que pour préserver la compétitivité du Canada face à la loi américaine sur la réduction de l’inflation.
Rénovations immobilières : un potentiel à saisir
Les rénovations énergétiques majeures ne conviennent pas à tous les actifs d’un portefeuille immobilier, mais on peut en optimiser la rentabilité.
Même si la rentabilité des rénovations et le choix des bons actifs ont suscité beaucoup de discussions, une chose est claire : les propriétaires immobiliers voient de plus en plus le changement climatique comme un enjeu stratégique. C’est pour eux une occasion de mettre en place des solutions concrètes pour rendre leurs bâtiments plus durables et plus résistants.