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La récession et ses obstacles : Les conséquences professionnelles à long terme de l’obtention d’un diplôme en période de repli

Par Andrew Agopsowicz

Publié le décembre 29, 2023 • 8 min de lecture

Ce qui est moins connu, c’est que les effets de l’obtention de son diplôme en période de récession se font sentir longtemps après la reprise. Les conséquences négatives pour ceux qui ont eu le malheur de commencer leur carrière dans un contexte de détérioration de la conjoncture économique peuvent être à long terme. Elles prennent notamment la forme d’une progression salariale plus lente et d’un avancement professionnel retardé par rapport aux cohortes qui ont obtenu leur diplôme lors d’une période économique plus favorable. Compte tenu du fait qu’il y a plus d’un million d’étudiants inscrits dans les universités canadiennes et que les économistes pensent que les probabilités qu’une récession ait cours d’ici les 12 prochains mois s’élèvent à 30 %, il vaut la peine d’examiner l’expérience de ceux qui sont entrés sur le marché du travail entre 2009 et 2011.

Faits saillants d’une étude sur les diplômés de la Grande Récession

  • Leur salaire a augmenté plus lentement au cours de la première décennie d’emploi que celui de leurs pairs qui ont commencé à travailler avant la récession.

  • À l’âge de 30 à 34 ans, ils sont moins susceptibles d’occuper un poste de gestion que les membres de cette même cohorte d’âges qui ont commencé à travailler avant la récession.

  • À l’âge de 30 à 34 ans, ils sont moins susceptibles d’occuper un poste qualifié que la même cohorte prérécession.

Leçons tirées de la dernière récession

Au quatrième trimestre de 2008, le Canada a connu son pire ralentissement depuis les années 1980. Il aura fallu attendre un an avant que l’économie reprenne sa croissance. Bien que le Canada ait mieux fait que d’autres pays, les répercussions de la Grande Récession ont été considérables. Parmi les personnes les plus touchées : les Canadiens qui venaient d’entrer sur le marché du travail.

Les données indiquent que la santé de l’économie au début de la vie professionnelle d’une personne peut accélérer ou retarder l’intégralité de la carrière de cette dernière. Les périodes de chômage ou de sous-emploi peuvent contribuer à la détérioration des compétences acquises à l’école, entraver l’acquisition de nouvelles compétences importantes et retarder les occasions d’occuper des postes de spécialité ou de gestion. Il peut falloir des années pour rattraper le retard.

Comme lors des récessions précédentes, les jeunes Canadiens ont été les plus durement touchés par la Grande Récession. Le taux de chômage des jeunes de 20-24 ans est passé d’environ 9 % en 2008 à plus de 12 % en 2009, ajoutant 55 000 personnes au nombre des chômeurs. Pour les jeunes hommes, le taux de chômage a atteint un sommet de 15 %. Plusieurs ont choisi de faire face à la tempête en retournant à l’école : les taux d’inscription aux programmes d’études postsecondaires à temps partiel et à temps plein sont passés de 39 % en 2008 (un creux récent à l’époque) à 43 % en 2012.

Même une fois qu’ils ont intégré le marché du travail, les taux de chômage de ce groupe sont restés élevés longtemps après l’amélioration de la situation pour les travailleurs plus âgés. Et les hommes ont été affectés de manière disproportionnée. Les jeunes femmes titulaires d’un baccalauréat ont été plus chanceuses, probablement parce qu’elles étaient plus susceptibles d’occuper des emplois dans les secteurs des soins de santé et des services d’éducation qui ont en grande partie évité une variation négative de l’emploi.

Influence des récessions sur les emplois obtenus

Amorcer votre carrière lorsqu’il y a un excédent de main-d’œuvre peut avoir un effet sur le type de travail que vous faites. Après la Grande Récession, un plus grand nombre de jeunes Canadiens ayant reçu une formation universitaire ont trouvé un emploi qui ne correspondait pas à leur niveau d’études, surtout par rapport à ceux qui ont commencé à travailler dans la première partie des années 2000. Ils étaient plus susceptibles d’occuper un emploi à temps partiel, et ce n’était pas par choix. Ils étaient moins susceptibles de travailler dans des postes de spécialité ou de gestion et plus susceptibles d’occuper des emplois non qualifiés.

Un emploi précaire et les difficultés à trouver du travail dans votre domaine sont coûteux, au chapitre du salaire perdu. L’effet peut être de longue durée. La croissance du salaire est généralement plus rapide en début de carrière, car c’est à ce moment-là que l’on commence à acquérir des talents négociables. Selon des études, environ la moitié de l’augmentation totale des gains réalisée au cours d’une carrière a lieu lors de la première décennie. Pour obtenir de futures promotions ou changer d’employeur, il est essentiel d’afficher des compétences éprouvées. Le fait de travailler en continu constitue également un facteur important. Comme la Banque du Canada l’a souligné, une part importante des gains salariaux réalisés au cours d’une vie provient des changements d’emploi effectués pendant la période embauchée, de sorte que les périodes de chômage éliminent une importante monnaie de négociation quand vient le temps de négocier un salaire plus élevé.

Le chômage persistant ou le sous-emploi peut contribuer au dépérissement des compétences spécialisées acquises à l’université, ce qui augmente les pertes salariales potentielles. Cela peut aussi retarder l’acquisition et le perfectionnement d’aptitudes non techniques transférables, un aspect sur lequel nous nous sommes penchés, aux Services économiques RBC, en raison de l’importance considérable que ces compétences auront, selon nous, pour la main-d’œuvre de demain.

Démonstration des répercussions par l’expérience de la génération millénaire

Les coûts d’obtenir son diplôme en période de récession commencent à se manifester au sein de la cohorte actuelle des 30 à 34 ans, qui avaient de 19 à 23 ans lorsque la récession a frappé. Ils sont moins de 10 % à occuper un poste de direction. Entre 2000 et 2008, les travailleurs de cette cohorte d’âges occupaient 12 % des postes de direction. Alors que 37 % des 30 à 34 ans d’aujourd’hui exercent une profession spécialisée, ils étaient 41 % à le faire pendant la période de 2000 à 2008. Ils sont plus susceptibles d’occuper un emploi non qualifié que les cohortes prérécession.

Les revenus des diplômés de la Grande Récession sont également à la traîne. Le salaire horaire moyen des personnes qui sont probablement entrées sur le marché du travail entre 2009 et 2011 a connu une croissance d’environ 60 % au cours des 10 premières années de leur vie active, comparativement à une croissance de 71 % pour celles qui sont entrées sur le marché du travail entre 2006 et 2008. Nous commençons tout juste à avoir un portrait clair de la situation de ceux qui sont entrés sur le marché du travail entre 2013 et 2015, mais leurs salaires semblent plus élevés. La croissance plus lente des salaires de la cohorte entrée sur le marché du travail pendant la récession pourrait refléter le fait qu’il leur a fallu plus de temps que les autres cohortes pour décrocher des postes de gestion et de spécialité. Nous verrons au cours des cinq prochaines années si ces retards persisteront.

Nos conclusions cadrent avec celles d’autres études universitaires sur le sujet. Une étude récente menée par Philip Oreopoulos, professeur à l’Université de Toronto, a examiné les revenus des Canadiens qui ont obtenu leur diplôme au cours des années1970, 1980 et 1990, en tenant compte du fait qu’ils l’ont obtenu pendant une récession ou non. Le préjudice salarial total se situait en moyenne aux alentours de 5 % au cours des 10 premières années d’une carrière, après quoi le retard salarial a été rattrapé.

Importante réaction en chaîne potentielle d’un lent début de carrière

Nous avons souligné certains des coûts liés à l’obtention de son diplôme en période de repli, au chapitre de la perte de revenus à court et à long terme. Cette perte pourrait avoir de nombreuses répercussions pour l’employé et l’économie dans son ensemble. Elle pourrait notamment allonger le temps requis pour rembourser les dettes accumulées pendant les études ou économiser pour la mise de fonds versée pour une maison. Elle pourrait également se répercuter sur la capacité de commencer à investir tôt dans sa retraite. Tout ne repose pas sur le moment, mais celui-ci ne peut pas être ignoré.

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.

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