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Intégration de la valeur de la nature dans les activités professionnelles : des agriculteurs canadiens innovent – Rapport RBC

By Lisa Ashton

Published 15 décembre 2025 • 14 min de lecture

TLPL

  • Le rapport Extraire la valeur de RBC examine comment la prise en compte du capital naturel permet de saisir la valeur économique des actifs naturels comme les forêts, les zones humides et les terres cultivées.

  • Études de cas :

    Des agriculteurs du Manitoba améliorent leurs revenus grâce à la gérance de l’eau.

    Des agriculteurs de l’Î.-P.-É. gagnent en efficience au moyen d’outils numériques.

  • Considérer la nature comme un actif, et non comme un coût, encourage la croissance à long terme et la résilience de l’économie et du secteur agricole du Canada.

Leadership avisé RBC a récemment publié un rapport sur le bien-fondé de l’intégration du capital naturel dans les plans économiques nationaux. Le rapport présente deux études de cas montrant de quelle manière des agriculteurs canadiens intègrent des pratiques de conservation de l’environnement et de durabilité dans leur modèle d’affaires. (Les valeurs sont en dollars canadiens, sauf indication contraire.)

Vous pouvez lire le rapport intégral ici : Extraire la valeur : le rôle essentiel que peut jouer la nature dans les programmes de croissance

D’invisible à indispensable : la bataille de la nature pour être prise en compte dans l’économie

La hausse des constructions, de la consommation et des exportations pour stimuler le PIB pèse inévitablement sur les forêts, les sols et les eaux, sans lesquels toute croissance est impossible. Toutefois, les programmes de croissance représentent une occasion pour toute une génération de considérer la nature non pas comme un coût à gérer, mais comme un actif à développer, à valoriser et à utiliser.

Plus de 78 billions de dollars de l’économie mondiale, soit environ la moitié du PIB total (ce lien mène à un site web dont le contenu est en anglais seulement), dépend fortement à modérément de la nature. Pourtant, les PIB nationaux ne tiennent compte que des produits extraits de la nature (poisson, céréales, bois), en ignorant la plupart du temps les services écosystémiques qu’elle nous fournit. Ceux-ci incluent le stockage du carbone dans les sols agricoles, la filtration de l’eau dans les tourbières saines et les avantages culturels et de biodiversité que représentent les forêts intactes. Les services écosystémiques, d’une valeur estimée à plus de 200 billions de dollars, demeurent largement invisibles dans les comptes économiques (ce lien mène à un site web dont le contenu est en anglais seulement), ce qui occulte à la fois une source majeure de croissance et une source croissante de risques.

La mobilisation de capitaux pour la nature demeure un défi. La plupart proviennent des gouvernements, l’industrie s’étant largement tenue à l’écart, notamment en raison du caractère incertain du rendement des investissements dans ce domaine. Les financements publics et privés de la nature s’élèvent annuellement à environ 270 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Plus de 580 milliards de dollars seront nécessaires annuellement si l’on veut combler le déficit de financement de la nature d’ici 2030. Ce chiffre montera à environ 940 milliards de dollars annuels d’ici 2050.

Une convergence entre les programmes politiques destinés à la nature et ceux en faveur de la croissance offrirait une occasion sans précédent de valoriser la nature en tant qu’actif investissable. La constitution d’un patrimoine de capital naturel offrirait un moyen de relancer les secteurs fondés sur la nature, notamment l’agriculture et la foresterie, et de renforcer le rôle de la nature dans l’économie du bâtiment et des travaux publics, notamment les infrastructures vertes dans les ensembles résidentiels. En outre, les investissements dans la natureatténuent les pertes économiques (ce lien mène à un site web dont le contenu est en anglais seulement), notamment les 3 300 milliards de dollars à risque à l’échelle mondiale si des services écosystémiques, comme la pollinisation sauvage ou la pêche en mer, devaient s’effondrer à cause d’une exploitation excessive.

Le Canada a établi un programme de croissance, qui offre un modèle politique et économique pour l’intégration de la nature. Le pays tire près de 7 % de son PIB des secteurs dépendant de la nature, entre l’agriculture, les mines, la foresterie et la pêche. La croissance du PIB de tous ces secteurs confondus a été 0,3 % plus lente que celle du reste de l’économie au cours des vingt-cinq dernières années.

Le temps est maintenant venu de rationaliser la gouvernance de la nature, d’améliorer l’accessibilité pour les entreprises et les gouvernements en tirant parti des technologies novatrices, telles que l’IA, et d’intégrer tout cela aux politiques de croissance.

Profits de précision : l’agriculture numérique comme facteur d’entraînement de l’efficience économique et environnementale

Des agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard ont découvert que les gains en efficience que leur apportaient les pratiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) représentaient assurément une occasion économique concrète grâce aux crédits carbone.

Poussée par le désir d’inciter les agriculteurs à agir pour le climat, la Fédération de l’agriculture de l’Île du Prince Edouard (PEIFA) a mis en place un système de mesure du carbone dans le sol et des émissions de GES permettant aux agriculteurs de se connecter aux marchés du carbone, tout en conservant la propriété de leurs données.

Les agriculteurs peuvent jouer un rôle de premier plan dans l’avancement des solutions climatiques. La gestion responsable d’intrants tels que les engrais azotés, qui sont des outils essentiels pour produire des récoltes saines et obtenir de bons rendements, fait partie intégrante du rôle des agriculteurs dans la promotion de l’action pour le climat. La plupart des terres agricoles de l’Île-du-Prince-Édouard (environ 86 500 acres) sont consacrées à la production de pommes de terre. Cette culture est très gourmande en nutriments et représente donc une occasion d’explorer les manières d’encourager une utilisation efficiente des engrais au moyen de crédits carbone récompensant la réduction des émissions nettes de GES.

Une direction provinciale sous l’égide de la PEIFA, combinée à des financements gouvernementaux, ainsi qu’au lancement du protocole de compensation pour la gestion améliorée des terres agricoles dans le registre volontaire de crédits carbone de VERRA, ont créé les conditions nécessaires à la naissance de l’Internet des objets agricoles (AgIoT) de la fédération. AgIoT est une plateforme de surveillance en temps réel détenue par les agriculteurs, évolutive et compatible avec tout type de données.

Pour produire des crédits carbone, il est indispensable de disposer de fonds, d’un leadership de projet et d’un protocole fixant les normes de l’amélioration du stockage de carbone dans les sols et de la réduction des émissions de GES. Toutefois, pour les projets axés sur la nature, comme celui-ci, le plus difficile est sans doute la collecte de données. C’est à ces fins qu’a été conçue AgIoT, une solution technologique créée pour les agriculteurs, par les agriculteurs.

Afin d’accéder aux marchés du carbone, les projets nécessitent des mesures de référence, sur lesquelles les agriculteurs peuvent se baser pour adopter de meilleures pratiques de gestion, comme l’épandage précis d’azote ou les cultures de couverture, et pour pouvoir montrer leurs progrès. La PEIFA a développé le projet de culture à faibles émissions de carbone de l’Î.-P.-É, qui compte désormais 4 800 acres enregistrés et répond aux normes de compensation des émissions de carbone, dans l’objectif de l’inscrire sur un marché du carbone. Lors des phases initiales, la fédération et ses agriculteurs ont constaté que les exploitations agricoles n’avaient pas la capacité de recueillir des données au niveau requis pour accéder aux marchés du carbone. Ils ont donc cherché à automatiser autant que possible la mobilisation des agriculteurs avec AgIoT.

AgIoT automatise la collecte et le traitement des données dans le but d’alléger les tâches de gestion et de tenue à jour des données pour les agriculteurs. Des capteurs placés dans les champs permettent de collecter en temps réel les données, qui sont automatiquement téléchargées dans le nuage et mises à la disposition de l’utilisateur dans le tableau de bord d’AgIoT. Les algorithmes sur le carbone du sol et les GES d’AgIoT établissent des estimations du carbone contenu dans les sols et des émissions de GES à partir des données des agriculteurs pour déterminer les impacts sur les émissions nettes de GES.

En 2024, une version logicielle semi-automatique des algorithmes d’AgIoT a été utilisée pour modéliser des fermes pilotes participant au projet de culture à faibles émissions de carbone. Elle a analysé les données historiques des récoltes, les échantillons de sols récents et un modèle fondé sur les processus pour estimer les émissions de GES et le carbone dans les sols. Les résultats des fermes pilotes ont montré que les émissions de GES des fermes avaient été réduites d’entre 50 kg et 150 kg en équivalent-CO2 par hectare. Les pratiques promues par le projet pilote, notamment la gestion précise des engrais azotés, ont également permis aux agriculteurs d’économiser de 50 $ à 120 $ par acre en intrants. Ces résultats directs témoignent de ce que peut apporter l’optimisation d’un système de production en vue d’obtenir des effets économiques et environnementaux positifs.

« Si ces modèles d’efficience étaient appliqués aux 86 500 acres de culture de pomme de terre, il serait possible d’obtenir une réduction équivalant à 1 750 à 5 250 tonnes de dioxyde de carbone par an. Et cela simplement en améliorant la résolution des données des agriculteurs afin d’éclairer des pratiques plus efficientes. »

Les participants aux projets axés sur la nature souhaitant accéder aux marchés du carbone doivent faire preuve de détermination. Le coût est élevé. Les procédures sont chronophages. De plus, mesurer, surveiller, déclarer et vérifier les réductions nettes de GES attribuables aux systèmes biologiques au fil du temps est une tâche compliquée, car de nombreuses variables à prendre en compte sont hors du contrôle humain. Toutefois, avec la bonne combinaison de capacités techniques sur le terrain pour concevoir et mettre en œuvre des solutions de données comme AgIoT, le recours aux crédits carbone peut ouvrir aux agriculteurs la voie vers de nouvelles innovations et des gains en efficience.

Une exploitation agricole capable de recueillir les données nécessaires pour accéder aux marchés du carbone obtiendra une formidable occasion d’améliorer ses prises de décision et sa rentabilité, ce qui apporte davantage de valeur que les crédits carbone en soi.

Optimisation du rendement : des agriculteurs accroissent leur impact & leur profitabilité grâce à leur gérance de l’eau.

Les agriculteurs transforment leur rôle de conservation en appliquant des mesures de gérance de l’eau dans leurs exploitations agricoles. Des agriculteurs du sud du Manitoba montrent comment leurs pratiques génèrent des résultats environnementaux positifs dans leur bassin hydrographique et améliorent leur résultat net.

Le lac Winnipeg, 10e plus grand lac d’eau douce au monde, s’est détérioré au cours des 50 dernières années en raison de l’écoulement de polluants provenant de l’agriculture, des développements urbains et des déchets municipaux et industriels. Cette pollution a entraîné une prolifération d’algues, tout en empêchant l’utilisation industrielle de l’eau et en restreignant les activités récréatives sur le lac. Cette situation coûte cher à l’économie canadienne et aux entreprises qui dépendent de la stabilité de la qualité et de l’accessibilité de l’eau, notamment les agriculteurs du bassin du lac Winnipeg.

Un collectif d’organisations, d’entreprises agricoles et de quatre fermes de la région des Prairies, couvrant plus de 45 000 acres de terrain, a été créé pour mettre sur pied un projet pour démontrer la valeur des pratiques de gérance de l’eau pour les affaires (ce lien mène à un site web dont le contenu est en anglais seulement). Un projet de recherche appliquée aide ce collectif à comprendre comment la mise en œuvre de plans de gérance de l’eau aide à créer de la valeur pour les agriculteurs, et leur donne l’opportunité de témoigner, données à l’appui, sur leur contribution à l’obtention de résultats positifs pour l’environnement.

Les agriculteurs n’ont pas rejoint le collectif pour obtenir des financements, mais plutôt par curiosité de découvrir les effets de la gérance de l’eau sur leurs exploitations agricoles et de communiquer ces effets. Les entreprises du collectif travaillent avec les agriculteurs participants pour tester des modèles incitatifs, incluant une combinaison de crédits carbone et de primes d’encouragement des pratiques. Nutrien, une société canadienne d’engrais, collabore avec deux des fermes participantes par l’intermédiaire de son programme sur des résultats d’azote durable (ce lien mène à un site web dont le contenu est en anglais seulement). Ce programme offre un paiement en fonction des résultats obtenus en matière de réduction des émissions de GES grâce à une meilleure gestion améliorée des engrais par les agriculteurs.

Ces derniers appliquent des pratiques fondées sur leurs plans de gérance de l’eau et collaborent avec une équipe de recherche pour évaluer le rendement du capital investi du point de vue de la profitabilité, de la productivité et de l’environnement. Les pratiques de gérance de l’eau ont été classées et évaluées selon deux stratégies. La première concerne les pratiques spécifiquement déployées sur les terres cultivées, qui comprennent les changements apportés au travail du sol, l’adoption de technologies agricoles de précision et la rotation des cultures. La seconde porte sur l’optimisation des terres naturelles non cultivées situées sur une propriété agricole, comme la restauration des terres agricoles peu rentables ou l’amélioration des zones humides, des haies et des espaces verts. Les résultats évalués des pratiques adoptées en 2023 et 2024 par les quatre fermes comprennent une amélioration de la qualité de l’air, une meilleure santé des sols et une biodiversité renforcée. Ces résultats ont été différenciés entre bien public et gains privés.

Les agriculteurs ont généré 6 900 $ par acre en moyenne de valeur pour le public à travers des services écoénergétiques tels que la pollinisation, la santé des sols et la régularisation des eaux. Quant à la valeur retournée aux agriculteurs, elle a été de 33 $ par acre, selon les valeurs du marché du carbone dans la région.

Enfin, il y a également eu un impact social. La sensibilisation à la gérance de l’eau a éveillé un intérêt considérable et un fort engouement au sein de la communauté agricole, grâce à des événements de partage des connaissances et des visites d’exploitations agricoles. Ce projet a également inspiré d’autres efforts environnementaux fondés sur la gérance de l’eau dans d’autres régions. 

Les gouvernements jouent un rôle clé dans l’écosystème de soutien des agriculteurs, qu’il s’agisse de financement, d’extension et de normalisation. Cependant, les calendriers et les priorités des gouvernements ne correspondent pas toujours à ceux des agriculteurs et des entreprises. Ne pas avoir invité le gouvernement à jouer un rôle actif dans ce projet en a limité l’impact. En raison de cette absence, le collectif a également manqué des occasions d’harmoniser les plans de gérance de l’eau des agriculteurs avec les programmes gouvernementaux. Le collectif travaille désormais activement pour mobiliser le gouvernement et tirer parti des occasions tirées de la collaboration.

Télécharger le rapport

Extraire la valeur : le rôle essentiel que peut jouer la nature dans les programmes de croissance

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